Grandir sans Cancer, vieillir sans colère.

La douleur et le désarroi sont les bras armée de la maladie de votre enfant. Ils vous exercent peu à peu à flairer la détresse d’un parent vivant les mêmes aléas de la vie. Une fusion de deux êtres meurtris qui vous autorise à vous serrer dans les bras, à vous accrocher la main avec une grande force et une belle compassion sans même vous connaître. La maladie de votre enfant efface temporairement la personnalité des individus laissant la place à un banc de fantômes errant, attendant que leurs chérubins trouvent la porte de la grâce. La maladie érode les reliefs, fait briller les cœurs et nous offre l’Amour.

Puis vient cette heure terrible du verdict. Un moment que tous les parents ont appréhendé de longues semaines, mois ou années. Cette angoisse du jugement dernier que l’on pose chaque jour sur sont lit, sa table à manger ne nous quitte plus pour nous accompagner jusque dans nos rêves les plus cauchemardesques. Votre enfant a pu échapper à la sentence fatale et cet accident de parcours vous redonne une foi en la vie où bien il a été emporté à jamais loin de vos yeux et de vos bras laissant derrière lui une page blanche inachevée ou les lignes encore visibles vous serviront de guide pour écrire le reste de votre vie.

L’après est un moment qui vous trace de nouvelles routes. D’un chemin récent, unique aux détours et retours impossibles, la vie décide de vous offrir à nouveau une multitude de choix. Il s’agit de réapprendre à marcher au milieu d’un monde qui bouscule, qui remue, qui heurte et qui se remplie peu à peu de personnes qui ne connaissent pas le bruit imagé du canon ou des balles sifflantes qui ont déchiré votre cœur. La prison dans laquelle la maladie vous enferme me rappelle l’image de ces soldats incompris revenus d’une guerre et perdus dans un monde ou les règles ne sont plus adaptées et ou les images violentes ne cessent de frapper les esprits les plus endurants. La maladie du cancer a brisé, mangé sa proie. Elle ouvre ses portes et vomit des parents hagards qui sont invités à continuer leur chemin avec un enfant cabossé ou décédé. 

Les effets secondaires sont alors nombreux. Aigreur, violence, tristesse, dégoût, mélancolie et varient selon les personnalités de chacun et l’humeur de tous. La constance n’est plus de rigueur comme dans le passé. Nous sommes revenus à la réalité avec les règles les plus simples. Votre enfant est parti emporté avec sa plume qui traçait le dessein de notre vie. Vos relations ont changé et votre vision des années restantes a vivre a été bouleversée. Il ne vous reste que la gomme pour effacer les maux les plus hideux en attendant de retrouver de nouveaux mots.   

Pourtant il faut bien vivre! Nous avons qu’une seule fois cette chance. Le temps associatif offre parfois un temps de partage en compagnie de gens ayant traversés ces champs minés. L’enfant n’est plus là et les codes de vie sont appelés à redevenir « officiels ». Nous nous efforçons de ne pas laisser transpirer nos émotions d’un passé meurtri. Nous voulons juste essayer de vivre comme avant même si le mot insouciance a été définitivement rayé de notre vocabulaire. La blessure est profonde et ne nous autorise plus à accepter l’autre comme nous aurions pu le faire le temps de la maladie. La vie reprend ses pleins droits et laisse pousser ses premiers bourgeons qui ne tarderons pas à fleurir puis à mourir. Ce cycle de la vie nous est offert à nouveau à tous, nous éloignant de cette image d’une mort brutale et subite. Tachons de ne pas le gâcher trop tôt avec un vent de colère nous poussant les uns contre les autres à nouveau dans un cycle de la douleur et du trouble moral profond.

Léonie, 
une pensée sans toit.
mais des mots pour toi.

Cette publication a un commentaire

  1. La comparaison avec les soldats revenus de guerre est puissante. Des familles en guerre, et l’après… nous ne pourrons jamais vraiment comprendre ça dans notre chair, mais on sera là. A bientôt j’espère. (Irène)

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Au pays de Léonie

Des parents en lutte contre les cancers pédiatriques.