2017 Léonie vient d’être diagnostiquée d’un cancer. Les premières heures, j’avais une entière confiance dans les options que la médecine allait me proposer. Car je savais que mourir d’un accident ou d’une grave infection étaient possible mais je ne me doutais pas encore que mourir d’un cancer l’était tout autant à 10 ans. Ignorant, je l’étais… 

Nous avons alors découvert des médecins bien embarrassés de devoir nous accompagner dans ce long chemin de la maladie incurable autrement dit des soins palliatifs. Comme dans toutes les expériences, il y a les bienheureuses et les plus douloureuses. Pour le cas de notre famille, j’ai bien du mal à la classer même si je dois souvent m’incliner devant un échec tant au niveau thérapeutique que de l’accompagnement.

Une question m’est alors venue à l’esprit. Comment se fait il que nous n’arrivions pas encore à sauver les enfants des griffes de certains cancers? Les réponses qui m’ont été apportées à l’époque étaient souvent les mêmes. Des cancers difficiles à traiter, à comprendre, a analyser… Mais ça, c’était tout au début, quand vous n’avez jamais vu une potence, que vous découvrez le mot biopsie ou que vous serrez la main pour la première fois d’un oncologue. Vous n’avez pas encore franchi le pas de la porte du monde de la cancérologie et surtout vous n’imaginez pas encore que tout n’est pas complètement optimisé pour sauver ces enfants.

Depuis, notre propre histoire avec les hôpitaux s’est achevée dans un cimentière proche de chez nous ou notre fille repose. Et puis il y a tous ces récits qui m’ont été contés. De nombreuses situations dramatiques ont été portées à ma connaissance. Le plus difficile est de bien séparer l’émotionnel du réel afin d’être le plus objectif possible dans cette analyse du terrain. Cette notion d’abandon, de mépris, de refus vient parfois se télescoper avec des histoires plus heureuses où la prise en charge est maximale sur notre territoire avec parfois le bonheur de rencontrer la guérison.

Le temps m’aidant, j’ai fini par repérer l’ensemble des associations tissant la toile des cancers pédiatriques en France. Elles sont nombreuses et aux missions extrêmement variées. J’ai compris comment l’Etat organisait son système de recherche avec l’Inca notamment et ses méthodes d’appel à projet pour une équipe de chercheurs. J’ai pu constater que nos députés n’étaient pas toujours tenus au courant des réalités ni des données sur le sujet et puis qu’un grand nombre de chercheurs fouillaient leur fond de tiroir pour tenter de lancer des projets faute de subventions. 

2019 soit 2 ans plus tard, je me dois de faire un bilan sur mes observations concernant les cancers de l’enfant. Même si ces deux années au regard de la recherche ne sont qu’une goutte d’eau dans l’immensité temporel utile à l’élaboration d’un traitement réellement efficace.

Tout d’abord prenons, nos deux plus importants centres en recherches dites fondamentales et cliniques en France, j’ai nommé Gustave Roussy et Marie Curie à Paris. Une vingtaine de centres en France leur ressemblent et sont regroupés sous la bannière UNICANCER. Deux nobles institutions privées qui sont investis par des chercheurs de qualité mais qui à les entendre manquent de moyens pour financer leurs projets. Les appels sponsorisés sur les réseaux sociaux en témoignent très largement. Cependant un point m’interpelle car si une association appelant aux dons adopte la bonne attitude pour se donner les moyens de répondre à ses missions, je ne comprends pas pourquoi l’Etat se désengagent de ses responsabilités en ne soutenant pas ces institutions à se doter des moyens de financement nécessaires. En d’autres termes nous confions la recherche à des institutions en manque d’argent pour trouver des solutions coûteuses pour nos enfants. Quel est l’intérêt? Cela revient à dire que si ces instituts ne trouvent pas l’argent, ils ne cherchent pas ou ne lancent pas de projets sérieux? Ils ont en soutien deux importantes fondations et une association comme Imagine4Margo mais cela suffit-il? C’est alors en véritable père de famille que je m’interroge sur l’efficacité de l’organisation des financements des projets de recherche. 

Pourtant l’Etat n’est pas loin et a ses propres outils aux services de la recherche. J’ai nommé l’Inserm, institution publique, avec son important bataillon de chercheurs, d’ingénieurs ou de personnels administratifs regroupant au total plus de 15 000 personnes. Cela fait beaucoup de monde même si vous l’avez bien compris ils ne se lèvent pas tous le matin pour se pencher sur les cas des cancers pédiatriques. J’étais récemment à l’assemblée nationale pour entendre des projets proposés par les associations à nos députés et certains centres nous annoncent purement et simplement que sans les associations, il n’y a pas de projet. L’Etat refuse à cette heure de voir cette réalité. Alors s’installe un dialogue de sourd où les représentants de l’Etat accusent les chercheurs de ne pas se battre pour obtenir les financements et les chercheurs de dire que l’Etat a mis en place des procédures bien trop chronophages et inutiles pour un résultat trop souvent négatif. Au final, on retrouve peu de chercheur en pédiatrie, peu de financement et peu de projet. C’est un constat !

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Mais tachons de rester optimistes ou positifs et revenons un peu en arrière dans le temps et arrêtons nous à l’automne 2018 lorsque sous la pression de nombreuses associations de parents, le gouvernement lâche un peu de lest et vote une loi sur les cancers pédiatriques accordant une rallonge de 5 millions d’euros(Loi Elimas). Le sénat entérine cette loi en mars 2019 et les premières réunions ont lieu à l’Inca dans un premier temps entre associations puis avec les chercheurs. Cette loi pour le moment vise essentiellement à couvrir des frais de projets à mobilité au détriment des projets de recherche, en d’autres termes comment attirer davantage les chercheurs en pédiatrie? Cette faible somme ne laisse pas entrevoir de grandes perspectives d’autant plus que le texte de loi prévoit aussi de couvrir un vaste volet social qui présente aussi des aspects urgentissime. Vous me direz c’est un début mais alors attirer des chercheurs, combien? et après? Car dans le même temps un député me disait qu’il existait peu de chance que le gouvernement d’ici les 2 ou 3 années à venir mette davantage d’argent sur la table. Donc si je suis mon raisonnement, nous allons après avoir obtenu des chercheurs, ne pas avoir davantage d’argent pour les aider à financer leur projet de recherche. Cela ressemble au chat qui se mord la queue!

Et enfin il reste le paysage des associations, des fondations ou des fédérations… Les fédérations ont une force en regroupant les associations sous une même bannière. Mais l’image que je me fais d’une fédération est de rassembler mais aussi de prendre en compte toute les sensibilités de chaque association avec les problématiques propres à chacune pour au final ne faire qu’une voix. Il faudrait davantage de neutralité avec des personnes extérieures au milieu associatif aux manettes pour capter davantage les doléances de chaque association.

2018-2019 a vu aussi des projets d’envergures naître grâce aux associations, on notera la fondation Flavien à Monaco et son projet financé à hauteur de 100ke ou encore récemment Wonder Augustine sur un démarrage d’étude sur le dipg encore à 100ke sans oublier une nuit pour 2500 voix et ses 60 000 euros capter en un week end pour soutenir le réseau React4kids en recherche fondamentale. Pour ce dernier projet, on se rend bien compte que lorsque les associations se mobilisent en même temps sur une même action cela est bien plus intéressant que chaque association dans son coin. Personnellement je mise sur ce type de projet.

De nombreuses associations répondent aussi aux rêves des enfants et cela est aussi important et particulièrement dans le palliatif lorsque l’on sait que les jours de vie sont comptés. On notera de belles associations comme I Have a dream ou Pour le sourire d’Isaac. s

Mais le cancer va malheureusement toucher encore beaucoup d’enfants avant que notre monde parvienne à l’éradiquer. Et si le financement est un point crucial pour avancer, il y a aussi le volet social comprenant la prise en compte du diagnostic jusque parfois au décès de l’enfant. Sans omettre l’accompagnement des familles, pendant et après la maladie quand on sait que certains enfants seront sauvés mais lourdement affectés par des traitements insupportables aux effets secondaires parfois dévastateurs. Notre société a donc encore un long chemin à parcourir pour progresser avec ces enfants atteints d’un cancer. Nous entrons alors dans une véritable bataille de la minorité même si ce volet peut et doit concerner toutes les familles touchées par un deuil ou le handicap de l’enfant quel qu’en soit l’origine. Des associations comme le Point rose ou Tous derrière Léa le font très bien.

En conclusion, de 2017 à 2019 il y a eu beaucoup d’actualités sur le front de la cancérologie pédiatrique. Tout n’est pas négatif et nous vivons même selon moi une mini révolution dans ce paysage resté statique durant presque 2 décennies. Je tenais donc par ce petit résumé à vous dire tout mon attachement à ce combat contre le cancer pédiatrique qui nous a personnellement frappé ma famille et moi.  Je ne le fais pas comme je peux l’entendre parfois en guise de thérapie mais bien en tant que citoyen impliqué dans une société et surtout acteur et victime d’une défaillance sociétale qui ne demande pas des années de réflexion mais un besoin de réorganisation,de formation, d’éducation et parfois aussi de choix politiques. Il est donc important de se battre chaque jour pour mieux financer la recherche, soutenir les familles et sensibiliser sans cesse sur un sujet qui peut toucher tout le monde du jour au lendemain afin de sauver plus de vie.

Laurent Savary – Papa et citoyen

Cet article a 3 commentaires

  1. JARLAN Céline

    C’est grâce aux gens comme toi, que les mentalités évoluent, que les combats se gagnent

  2. Julie G.

    Merci Laurent

  3. Ghislaine Boyer

    Excellente analyse Merci tout est dit. Je me permettrais de rajouter a la veille des Elections Européennes de travailler avec les autres pays est fondamentale. Helas les cancers pédiatriques ne connaissent pas les frontières. De plus, pour avoir travaillé avec la Commission il y a de l argent beaucoup d argent a l Europe qui souvent dort dans des tiroirs ( j ai testé ) Il serait intéressant avec cette législature qui s ouvre de se pencher sur cela dès que la nouvelle équipe dirigeante sera désignée. MERCI pour nos enfants ( je suis la maman d Amaury parti il y a bientôt 5 ans d une tumeur au cerveau il avait 13 ans et 7 mois). Ghislaine BOYER maman et citoyenne

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Au pays de Léonie

Des parents en lutte contre les cancers pédiatriques.