Ma playlist avec Aretha Franklin, Nancy Sinatra, Bob Dylan, Stan Getz, Van Morison m’accompagne ce soir pour ce post… La chaleur a marqué de son empreinte le mois de juillet 2018. Tout est calme à cette heure tardive. La maison est remplie de sable dont le marchand n’aura pas peiné à distribuer pour plonger chacun dans un sommeil. Les murs de la chambre sont recouverts d’un papier bleu ciel. Un poster de la famille Morallès orne un pan. Nous les avions vu à Avignon à deux reprises pour découvrir un cirque moderne et drôle avec Agathe et Léonie. Des boîtes de jeux s’empilent au pied d’une étagère. Des flashes marquent mon esprit en revoyant nos enfants jouer, colorier ou tracer il y a quelques années. Ma famille est à Nevers au pays des eaux vives. Nous nous apprêtons dans quelques heures à rejoindre notre habitation près d’Avignon…

Léonie n’a pas retrouvé sa mémoire et en souffre beaucoup. Si ce n’est pas douloureux, cela déprime son moral. Pour le reste les choses sont stables depuis 10 jours.

Ces belles et chaudes journées d’été devraient nous pousser à la légèreté. Cette période est en effet propice aux échanges, aux partages, et aux rencontres. Pourtant la maladie de notre enfant réussit aussi à vous enlever cela. Entendre un rire d’enfant et c’est le votre qui apparaît bâillonné. Un petit patauge dans le sable trempé d’eau de mer et c’est votre fille qui apparaît enchaînée au pied du parasol. On aimerait tant lui fournir cette combinaison de super héros pour transgresser les lois de la nature. On rêve de lui donner ces pleins pouvoirs pour la voir voler et venir se joindre à ces enfants qui lui ressemblaient tant autrefois. En échange nous recevons des regards de lutins qui s’interrogent sur notre fille qui louche ou qui ne marche qu’assistée de ses parents. Leurs regards nous transpercent le dos jusqu’à ce que nous disparaissions à l’horizon.

La maladie emporte peu à peu le rire des enfants et ne laisse qu’un immense océan de questions dans leurs yeux. Être parents dans ces moments là consiste à renverser la table. On ne propose pas une fois mais des milliers de fois. On ne se motive pas une fois mais des milliers de fois. On ne sourit pas une fois mais des milliers de fois. Il s’installe alors une impression de relation étrange et fantastique à la fois avec votre enfant. 10 ans est un âge suffisant pour le voir travailler et développer son autonomie. La maladie vous place sur une courbe inversée. Il ne s’agit plus de le voir se séparer peu à peu de vous mais au contraire le voir venir au galop se blottir contre vous comme un enfant apeuré. L’assistanat se place à tous les étages. Il se crée alors une relation qu’une vie seule ne peut vous offrir. Une vie, au quotidien si précieux, où lire dans les yeux de votre enfant suffit à comprendre les choses. 14 mois auront suffit pour que Leonie et nous, puissions substituer aux mots, des sons, un regard, ou un petit signe. Ces nouveaux codes nous éloignent d’une vie traditionnelle mais nous rapprochent et font de nous une et une seule entité. Une famille malade, fissurée, blessée mais une famille unie. Chaque bourrasque de vent provoquée par ces tempêtes nous font crier de peur et menace de nous faire basculer tous en même temps. Mais c’est quand le soleil pique à nouveau nos yeux que nous nous rechargeons comme une batterie solaire pour que nos portes et fenêtres laissent entrer les rires et l’apaisement. Et ainsi va la vie, notre vie.

Avancer pour ne pas se retourner. Avancer pour espérer mieux. Si certains pensent divinité quand d’autres espèrent le miracle de nos docteurs, nous sommes tous dans la même salle d’attente. Une salle blanche qui ne ressemble à aucune autre. Une salle remplie d’espoir, de force, et de courage. Chaque parents s’abordent comme de vieux amis car nos peines et nos joies sont bien les mêmes. Personne ne peut tricher et se trouve à découvert. Nos cœurs entrent en communion immédiatement lors de ces accolades partagées avec ces parents inconnus la premiere fois. Cette force entretient ce microcosme qui un jour fera exploser cette maladie. Nous gagnerons un jour cette guerre contre ce Dipg. Nous en avons la conviction et l’union de ces parents meurtris, ces docteurs usés de devoir répéter un discours sans espoir, des chercheurs qui vont toujours plus loin dans leur découvertes, des politiques qui se plieront un jour à l’urgence de ce besoin de remède feront qu’un jour le Dipg perdra… Et même s’il y a 60 ans un parent a déjà peut être pensé la même chose, tachons de continuer à nous battre pour nos enfants malades pour leur dire que c’est bien eux qui signent le mot “vie” avec une majuscule, hier, aujourd’hui ou demain.

Nous, parents Dipg, devons tout à nos enfants. Nous leur devons notamment cette vision simplifiée de la vie ou chaque minute prend une autre dimension. Ils nous ont fait découvrir que l’argent, le temps, la colère entre autre ne servaient à rien sans ces montagnes d’amour qu’un enfant peut vous apporter dans ce monde de la maladie.

Je ne profite pas, je vis!

Je ne me prépare à rien, je me transforme….

Cet article a 2 commentaires

  1. aupaysdeleonie

    Merci Michel et Martine de nous suivre . En créant ce blog je voulais soutenir Leonie moralement puis ma famille pour ne pas s’enfermer… Et enfin pour tenter de financer des essais qui sont absents dans notre pays. Aujourd’hui j’ai l’impression d’écrire pour que cette maladie nommée Dipg cesse et qu’enfin on regarde ce qui se passe dans le monde avec une mutation qui terrasse entre 6 a 12 mois nos enfants. On peut et on doit faire mieux pour nos enfants et petits enfants de demain. Merci

  2. Cornélia Eben

    Bonjour et merci pour votre magnifique message , ma petite fille Leana est aussi atteinte du GITC et je comprends votre douleur .
    Je vous souhaite pleins de bonne chose et surtout gardez espoir c’est très important pour eux ❤

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Au pays de Léonie

Des parents en lutte contre les cancers pédiatriques.